jeudi 30 mars 2023
La séance s’ouvre avec la présentation des invités (syndicaux, associatifs, politiques…) présents ce matin, l’occasion pour une partie des congressistes de huer le représentant de la CFDT. Pas très malin dans le contexte d’une intersyndicale qui maintient la mobilisation même si l’idée de la médiation est un piège dangereux.
Donnant satisfaction aux demandes des congressistes la veille, le bureau du congrès annonce qu’une résolution d’actualité (comme d’habitude lors d’un congrès) est en cours d’élaboration, que le journaliste du « Peuple » a repris son activité dans le congrès et que la fédération Police est finalement validée avec un délégué.
Le bilan financier est adopté à 67%. Ce qui signifie qu’en prenant au sérieux les réponses faites aux délégués, c’est mieux. Mais aussi qu’une partie des votes contre le rapport d’activité hier ne souhaitent pas faire sauter la banque !
La discussion peut donc s’ouvrir sur le document d’orientation. Préambule et thème 1 : « Pour un syndicalisme de rupture, porteur de transformation, de progrès social et environnemental dans un monde du travail en perpétuelle évolution ».
La commission amendements a réalisé un très gros travail d’intégration, très équilibré, qui semble avoir cherché à donner satisfaction aux différentes sensibilités. Le texte sort renforcé, plus précis, plus offensif que ça soit sur l’anticapitalisme (même si cela reste trop faible à nos yeux), sur le féminisme, sur l’écologie, le télé-travail, les sans-papiers…
Dans une ambiance qui reste électrique et qui ressemble parfois à une guerre de tranchée, les délégués qui défendent un amendement repoussé semblent bénéficier d’un vote de pure réaction. Ainsi la commission qui s’était divisée à 50/50 sur la réintégration des personnels soignants non-vaccinés doit enregistré un vote du congrès à 90% favorable à la réintégration. Un amendement non retenu sur la défense des « régimes spéciaux » est lui directement intégré en séance par la commission.
Si la direction sortante fut hier muette sous les attaques, les délégués favorables aux évolutions sur l’écologie et le féminisme, l’unité syndicale ont aujourd’hui fait entendre leur voix, donnant une image plus équilibrée des positions défendues dans la confédération. Ainsi un cheminot réclame-t-il des formations syndicales sur les questions écologiques et les obligations légales des entreprises sur ce sujet. D’autres rappellent que « Plus jamais ça » découle d’une démarche adoptée lors du 52° Congrès.
Les interpellations vibrantes de déléguées femmes sur la défense de prédateurs sexuels dans la CGT au motif qu’ils seraient « de bons militants » laissent un goût amer quand des délégations fédérales en bloc restent bras croisés dans une salle qui applaudit trop peu.
Surtout quand dans le même temps, des déléguées femmes multiplient les interventions refusant la parité ; la médaille d’or étant attribuée à la déléguée du CHU de Rennes qui déclare que les problèmes de la place des femmes dans la CGT se résoudra toute seule dès lors qu’il y aura suffisamment de crèches ! Cette vision archéo-marxiste étant partagée peu ou prou par les courants néo- staliniens et trotskistes dogmatiques, la nécessité de formations plus poussées sur le patriarcat et l’oppression spécifique des femmes saute aux yeux.
Au final, un débat qui s’apaise un peu, des délégués très énervés qui finissent par apprécier l’intégration de l’esprit de leurs amendements, une bonne gestion de la tribune et des réponses de la commission : préambule et thème 1 sont adoptés par 78% de pour.
S’ouvre alors le débat sur le thème 2 : structures et fonctionnements de la CGT.
Beaucoup d’exemples de succès dans différentes catégories de salariés. La défense des cellules de veille contre les violences sexistes et sexuelles semble progressivement mieux applaudie. Des exemples de syndicats locaux d’industrie pour rassembler les syndiqués « isolés » sont donnés dans plusieurs branches.
Très peu de délégués tentent de soutenir des amendements refusés qui seraient d’une importance remarquable. C’est plutôt à la poursuite d’un débat général auquel on assiste. La médaille d’or cet après-midi sera attribuée à un délégué de la chimie : contestant avec virulence la « direction réformiste »* de la CGT, il soutient sans hésiter que dans notre sang coule celui de tous les révolutionnaires, de la Commune de Paris à Mai 68. Il semble ne pas savoir que la CGT a mis en 68 toutes ses forces, pour que la grève générale se limite aux seules revendications sociales, renvoyant à une union espérée PCF/PS une victoire électorale qui nous rapprocherait du socialisme. Tout en défendant politiquement cette ligne qui débouchera sur le Programme commun puis un gouvernement PS/PC en 1981 contre les « aventuriers gauchistes ». Cette position, officielle, Georges Séguy l’assume avec constance dans tous ses livres. C’est un fait qui ne souffre aucune discussion. La seule chose qui peut et doit toujours faire débat c’est de donner raison, ou pas, à ce choix stratégique énoncé dès le début de la grève générale ouvrière.
Pour les congressistes, la journée se termine mais le CCN commence. Malgré un vote par mandats, imposé après une longue guerre d’usure par certaines fédérations, c’est vers 04h 30 qu’une liste de candidat.es à la CEC sort du conclave. Confirmant ses choix et ses critères, le CCN présentera au congrès une liste de 66 camarades dont Olivier Mateu ne fait pas parti.
*Faut-il rappeler ici que nous considérons que la CGT est réformiste depuis des décennies et que nous défendons un retour aux inspirations syndicalistes révolutionnaires des origines qui furent écrasées dès les années 1920, pris en étau entre les réformistes de Jouhaux et les staliniens dans la CGT-U.