lundi 15 février 2021
Alors que le livre de Jean-Bernard Gervais jette une lumière cruelle sur les dysfonctionnements à tous les étages de Montreuil, il y a un secteur qui fonctionne sereinement, dans un climat fraternel et avec des positionnements clairs : le secteur migrants/sans-papiers. Et pourtant sur ces questions la CGT a traversé bien des crises !
L’histoire de la CGT sur l’immigration est faite de hauts et de bas. Au milieu des années 70 lorsque le PCF réclame la fermeture des frontières « en attendant que la France intègre correctement les migrants déjà entrés » le collectif migrant, refuge de catholiques de gauche et de militants d’extrême-gauche, implose. La CGT se retrouve paralysée et cahotique. Et ce jusqu’en 95/96 lorsque l’occupation de l’Eglise St-Bernard dévoile l’absence de la CGT dans un conflit emblématique. Un premier recentrage s’opère alors, avec la parole donnée durant l’assemblée de rentrée à l’une des porte-parole de St-Bernard. Vont alors coexister deux lignes et deux pratiques qui s’affrontent en région parisienne entre le collectif animé par Francine Blanche et celui qui impulsera les premières grandes grèves de sans-papiers autour de 2010.
Le rapport entériné par la Commission Exécutive Confédérale le 17 novembre dernier présenté par Maryline Poulain valide le Livret d’accueil des travailleuses et travailleurs sans-papiers. Et il précise les bonnes pratiques :
" notre démarche revendicative basée sur la solidarité de classe, l’égalité des droits entre travailleurs, l’égalité de traitement dans les entreprises. Régulariser permet l’amélioration des conditions de travail et l’augmentation des salaires des travailleurs étrangers mais aussi de l’ensemble du salariat. Le livret regroupe l’ensemble des textes réglementaires sur la régularisation des travailleurs sans-papiers obtenus par les rapports de force (circulaire du 28 novembre 2012, Actualisation de la FAQ en avril 2018 incluant la prise en compte du temps partiel, les preuves de travail dissimulé, les conditions de travail indignes, la Traite d’êtres humains,...) mais aussi des conseils sur la constitution des dossiers individuels, l’anticipation de l’action collective, la construction du rapport de force et la nécessaire coordination de nos organisations pour gagner. Il est indispensable de maintenir ce rapport de force pour faire appliquer les textes existants, ouvrir des canaux de discussion locaux avec les préfectures mais aussi conquérir de nouveaux droits. La CGT revendique la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers sur simple preuve de la relation de travail. Le rôle des UD et de l’interprofessionnel est fondamental car la régularisation se fait dans la préfecture du domicile des travailleurs et l’UD est l’interlocuteur des préfectures départementales. Dans certains combats, le travail avec l’inspection du travail et la Direccte sera indispensable pour consolider nos dossiers et faire reconnaître les conditions de travail auprès de l’administration.
Ce livret invite à la création de permanences locales d’accueil des travailleurs sans-papiers. Un certain nombre de points d’accueil existent déjà. Il faut prolonger ce travail collectivement. Chaque travailleur sans-papiers doit, comme n’importe quel travailleur, pouvoir trouver sa place dans la CGT et être reçu localement. Le collectif confédéral est là en appui, à la disposition des organisations pour des conseils pratiques, théoriques mais aussi l’organisation de formations dans les organisations. La confédération doit appuyer les organisations, aider à coordonner le rapport de force entre les différentes organisations CGT mais ne doit pas se substituer aux organisations. Le point de contact confédéral à Montreuil animé par le pôle migrants de l’espace revendicatif doit systématiquement réorienter les travailleurs vers les lieux d’accueil locaux pour la constitution des dossiers et la syndicalisation. La syndicalisation, comme pour tout autre salarié, ne doit pas être un préalable à l’appui et l’intervention du syndicat. Dans le cas contraire, nous glisserions vers un « syndicalisme de service » laissant penser au travailleur que le fait de payer « sa cotisation » lui permettrait d’obtenir un titre de séjour. Cette démarche induit pour le ou la travailleuse une attitude passive, où le syndicat serait vécu comme un intermédiaire entre lui ou elle et les services de l’État.
La CGT refuse également la mise en place de « syndicat de migrants » qui serait contraire à nos principes et nos objectifs, à savoir l’unité du salariat. C’est bel et bien la solidarité de classe qui doit être motrice, et non pas l’acceptation de fonctionnements en parallèle qui ne conduisent qu’à l’isolement. Pour ces mêmes raisons, on ne fait pas payer le travailleur pour la constitution de son dossier ou l’on ne doit jamais laisser entendre par une lettre ou un « laissez-passer » que la syndicalisation permet illusoirement d’être régularisé ou protégé contre les reconduites à la frontière. Ce livret doit être un outil ressource. La régularisation des travailleurs sans-papiers ne doit plus être une affaire de spécialistes. Il faut passer le témoin, élargir le corps militant qui a connaissance de ces enjeux. Ce n’est pas l’affaire de quelques travailleurs, c’est l’affaire de tous"