mercredi 25 octobre 2017
Les militants syndicaux qui avaient lucidement analysée la difficulté à mettre en grève leurs collègues et à élargir la mobilisation en 2016 contre les lois El Khomry n’étaient pas très optimistes. Ils savaient que le mobilisation contre les Ordonnances Macron serait compliquée. Ils ne comptaient pas sur la CFDT. Il faut d’ailleurs mesurer ce qu’indique sa première place acquise dans le privé en terme de recul de l’implantation CGT et de perte de repères de classe. Mais ils ne s’attendaient pas à une telle trahison de Mailly dont la mise en minorité au CCN de FO fin septembre produit peu d’effets visibles. Quant à la FSU, elle avait clairement tout misé sur l’intersyndicale fonction publique en centrant la mobilisation sur les revendications, certes bien réelles, des fonctionnaires.
Dans ce contexte, le choix de notre direction confédérale de planter des dates sans les discuter peut se comprendre, mais cette façon de faire n’aide pas à la construction de l’unité. Le refus évident d’un tête à tête avec Solidaires finira par se payer aussi. Ajoutons que l’initiative de Mélenchon le samedi 23 septembre, l’arrogance de sa critique contre les syndicats participent à la zizanie ambiante ! En renvoyant les syndicats dans le vieux monde Mélenchon tente de faire oublier que la démoralisation, la démobilisation, la précarisation des travailleurs est le résultat des politiques libérales menées par un PS dont il est resté membre et caution si longtemps...
Dans cette période compliquée et maussade la « Chasse aux DRH » a trouvé une place originale. D’une part parce qu’il est urgent que les patrons, leurs ministres, leurs députés et leurs DRH connaissent, ressentent, un peu de l’insécurité sociale dans laquelle nous plonge leur politique agressive ; d’autre part parce qu’il est positif de réussir à faire agir ensemble des syndicalistes et des activistes du cortège de tête, ouvrant un dialogue durable entre deux générations et deux conceptions politiques. A Nantes la CGT a compris l’intérêt de la chose avec les zadistes. En mixant actions médiatiques et actions surprises, il est possible avec quelques centaines de militants de redonner du punch à l’action syndicale. Un retour bienvenu aux méthodes historiques du syndicalisme révolutionnaire.
Une période d’échecs récurrents du mouvement social est propice à tous les règlements de comptes, y compris en interne des organisations. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas jeter de l’huile sur ces feux là. Débattre et critiquer oui mais s’invictiver ferait plus de mal que de bien. A la SNCF on frôle la caricature quand SUD-Rail appelle à la grève sans la CGT le 10 octobre, puis la CGT sans SUD le 19. Les difficultés à construire un « tous ensemble » légitiment également le repli corporatiste : chauffeurs, dockers et bientôt raffineries vont chercher à utiliser leur rapport de force professionnel pour se protéger, partiellement, des ordonnances Macron. Difficile de leur reprocher quand la généralisation ne prends pas. Mais c’est aussi une période qui favorise toutes les surenchères, qu’elles soient traditionellement gauchistes ou qu’elles émanent parfois de directions intermédiaires dans la CGT. Certaines de ces directions, qui refusent habituellement d’agir pour la construction concrète de la grève quand elle est « jouable », semblent à l’aise d’en parler quand elle ne risque pas de les déborder en vrai ! Enfin pour jouer l’intersyndicale au grand complet, les organisations de la fonction publique se déconnectent nécessairement de la bataille contre les ordonnances et là encore la stratégie n’est pas simple pour réussir à la fois la mobilisation la plus large des fonctionnaires et faire avancer la convergence nécessaire à une victoire significative contre Macron.
Nous avons aujourdh’ui plus d’appels à la convergence que de convergences réelles. L’appel lancé autour de la fondation Copernic, celui lancé autour de Solidaires, celui du Front Social, celui du POI... Dans les villes, des militants se regroupent parfois autour de telle ou telle étiquette et tant mieux si ça permet de construire des actions concrètes et des solidarités locales mais elles restent généralement des coquilles vides. Notons que l’appel à manifester samedi 18 novembre par le Front Social se trouve en situation de concurrence comparable à celui de la France Insoumise du 23 septembre...
L’appel CGT/FO/Solidaires/Unef/Unl/Fidl pour le 16 novembre est le fruit de compromis insatisfaisants. Il est faible contre les ordonnances et sur la convergence public/privé. Et il nous propose encore une fois une journée sans lendemain. Mais pouvons nous faire la fine bouche ? Tout au contraire ! Cet appel a le mérite de relancer une chance de construire à la base, avec AG dans les entreprises et les localités une grève reconductible. La vérité des prix se joue sur le terrain. Le 16 est loin et nous pouvons le préparer soigneusement. A tous ceux et celles qui nous disent ne plus vouloir perdre vainement trois jours de salaires par trimestre pour des journées sans lendemain nous proposerons trois jours consécutifs, soit le temps de construire, en plus des traditionnelles manifestations dans les centres villes des grandes métropoles, des manifestations locales, des piquets de grève renforcés, des blocages massifs... Et au soir du troisième jour, une AG pour décider des suites.