mardi 2 juin 2020
Différents appels des organisations syndicales, associatives et/ou politiques contenant toutes sortes de propositions pour « le jour d’après » surgissent. Leur finalité reste globalement soumise à une illusion électorale autour de la reconstruction d’une « union de la gauche » aux géométries très variables.
Dans le même temps 5 000 universitaires de 23 pays publient un appel à démocratiser l’entreprise, à un nouveau partage du pouvoir dans l’entreprise entre les apporteurs de capital et les apporteurs de travail. Mais sans jamais poser la question de la subordination du travail au capital, du rapport de force entre les deux, sans jamais expliquer qu’il faudrait une situation de grève générale mondiale pour imposer cela aux actionnaires de 23 pays ! Réclamer des droits en plus ? Pourquoi pas. Mais à condition que cela serve de point d’appui aux salariés pour aller plus loin dans l’affrontement, pas pour gérer amicalement leur entreprise avec ses actionnaires...
Dans une tribune publiée par "Le Monde” du 17/18 mai, on peut lire les précisions suivantes :
« Ces comités (d’entreprises) doivent désormais être dotés de droits similaires à ceux des conseils d’administration afin de soumettre le gouvernement de l’entreprise à une double majorité. En Allemagne, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, des formes de co-détermination mises en place progressivement après la seconde guerre mondiale ont représenté une étape cruciale mais encore insuffisante. »
Problème : ladite co-gestion (et c’était d’ailleurs l’objectif) a eu pour seul résultat la destruction des syndicats comme outils de lutte et l’intégration complète de leurs bureaucraties à l’élite socio-économique de ces pays. Laurent Berger ferait figure d’agitateur gauchiste en regard de ses homologues ! C’est l’idée même de la lutte des classes qui a été enterrée au profit d’une co-gestion dont les bénéfices sociaux initialement concédés pour reconstruire les pays ont été balayés dans le cadre de la mondialisation libérale.
On retrouve dans la tribune d’autres « naïvetés » :
« Cette crise illustre aussi combien le travail ne devrait pas être traité comme une marchandise. » (!!!)
Autant d’intellectuels et de sociologues qui ont lu Marx mais qui n’ont donc rien compris de leurs lectures ! Dans le capitalisme tout est marchandise, le travail, la force de travail, est une marchandise comme une autre que le prolétaire vend au bourgeois qui possède les moyens de production mais pas les bras pour les faire fonctionner. Mais voici la cerise sur le gâteau :
« La logique de rentabilité ne peut pas décider de tout. » (!!)
En faisant sembler d’ignorer que justement la loi du marché s’impose à toutes les activités humaines, y compris aux capitalistes, nos auteurs peuvent développer leurs aimables propositions de partage des décisions qui permettraient de « dépolluer la planète » entre autres bénéfices...
Autant de gentilles absurdités signent le retour en force du réformisme. C’est à dire de l’illusion qu’on peut faire avancer la cause des prolétaires sans en passer par la lutte des classes dans la perspective de l’expropriation de la classe capitaliste. Certains diront que c’est un progrès en regard de la domination idéologique de l’ultra-libéralisme ces dernières décennies, comme une hirondelle qui annoncerait le printemps. Mais nous savons par l’expérience historique que l’hirondelle en question vole d’elle même vers sa cage !
Et pour toutes celles et ceux qui portent au pinacle de la modernité politique une partie des signataires, sachez que dans la liste de nos braves démocrates nous retrouvons entre autre : Thomas Picketty (l’anticapitaliste soft), Pablo Servigne (le collapsologue en chef) et même Chantal Mouffe (la gourou de Podemos et de Mélenchon, théoricienne du populisme de gauche, qui remplace le concept de prolétariat par celui de peuple).
Plus étonnant les signatures de personnalités venues de l’extrême-gauche s’égarées ici comme Noam Chomsky, Christine Delphy ou Gilbert Achcar.
Trouvez le document entier et les signataires :
https://democratizingwork.org/read/#francais