mardi 6 avril 2021
Depuis un an, dans le monde entier, la crise Covid-19 a démontré que sans le travail des femmes, c’est-à-dire sans la présence des femmes dans des activités que le capitalisme patriarcal leur assigne en masse, les sociétés s’écroulent.
La CGT vient d’en tirer la leçon du point de vue syndical. Ainsi, à la Commission exécutive confédérale du 23 mars a été présentée une campagne vers les secteurs féminisés, issue d’un travail commun entre le collectif confédéral « femmes/mixités », les collectifs confédéraux et les fédérations les plus concernées. On peut s’en féliciter. On pourrait se dire : enfin, on va passer des discours aux actes ! Mais la lecture du rapport est décevante, très en dessous des besoins.
Ce rapport est truffé de chiffres pour aboutir à des revendications classiques sur la précarité, les salaires et le temps de travail. Des revendications aussi justes soient-elles mais élaborées en vase clos. Le rapport propose aussi de mettre à disposition des équipes syndicales des moyens de communication, des livrets, des journées d’études et un colloque … Définir des revendications, c’est important, bien entendu. Mais rien de concret sur la syndicalisation, absolument rien !
Comment peut-on gagner sur les revendications sans rapport de force sur le terrain, au niveau de chaque collectif de travail, lui-même bien souvent éclaté ? Comment construire donc ce rapport de force sans des syndicats aux structures adaptées, avec des adhérentes en masse ? Car ce sont bien elles, les salariées, qui construiront dans l’action collective leurs propres revendications face aux patrons et à l’Etat.
C’est pourquoi nous redoutons que la CGT mette la charrue avant les boeufs ! Et qu’une campagne « clé en main » ne se limite, au mieux, qu’à un peu de propagande.
On tourne donc en rond alors que la seule question qui compte est celle de la syndicalisation de masse dans les secteurs féminisés. Pourquoi ? Parce que nous sommes face à des déserts syndicaux dans ces secteurs féminisés. Et pour y remédier, il n’y a qu’une solution. Mettre en œuvre, dans toute la CGT, une politique volontariste de promotion de femmes détachées à des postes d’animation dans les territoires, au niveau de chaque UD, au plus proche du terrain.
Développer la syndicalisation de masse, construire des syndicats locaux et/ou départementaux de branche dans l’aide à domicile, le nettoyage ou le commerce, par exemple, suppose que des moyens militants en décharge syndicale et/ou financiers soient actés non seulement par les fédés concernées, mais par tous les syndicats dans le cadre de plans de syndicalisation décidés dans les UD et UL.
Se tourner vers les secteurs féminisés du salariat comme d’autres secteurs où la CGT est peu présente voire inexistante, n’est pas une nouveauté des déclarations de congrès confédéraux et fédéraux. Tous s’accordent à dire que la force de la CGT, c’est d’être sur le terrain et de proximité. Mais il faut joindre la parole aux actes et prioriser nos moyens militants à ce niveau là.
Ce qui suppose également que les structures de la CGT soient accueillantes pour les femmes. Et en premier lieu que les militantes soient plus nombreuses aux postes de responsabilité. La CGT a pris une longueur d’avance, en théorie. La cellule de veille interne contre les violences sexistes et sexuelles réalise un travail important qu’il faut soutenir et développer. Il faut aussi lui donner les moyens d’agir fortement, y compris quand des « dirigeants importants » sont mis en cause...
Ne pas commencer par ces questions, et ne pas les aborder de front, c’est perdre un temps précieux. Il s’agit d’un débat stratégique pour la CGT, l’occasion d’être la première organisation syndicale à créer les conditions pour réellement syndiquer en masse les femmes salariées.