mardi 2 juin 2020
Le 18 mai dernier, Macron et Merkel se sont déclaré « unis pour la relance européenne » [1]. Il s’agit ni plus ni moins que « d’autoriser la Commission européenne à financer ce soutien à la relance en empruntant sur les marchés au nom de l’UE sur une base juridique respectant pleinement le Traité européen, le cadre budgétaire de l’UE et les droits des parlements nationaux » la somme de 500 milliards d’euros.
Il s’agit de financer le « pacte vert » (Green deal), c’est-à-dire, sous couvert d’écologie dont ils n’ont en réalité rien à faire, de continuer la « stratégie du choc » : les plans de licenciements, les délocalisations dans l’industrie mais également dans les services via le télétravail. Citons encore cet appel : « Ce soutien à la relance complète les efforts nationaux et la série de mesures arrêtée par l’Eurogroupe ; elle s’appuiera sur un engagement clair par les États membres d’appliquer des politiques économiques saines et un programme de réformes ambitieux ». En clair : pour bénéficier de ces aides, il faudra mettre en oeuvre un programme de réformes libérales comme de nombreux pays l’ont connus par le passé, la Grèce dernièrement en 2015.
Un beau programme en perspective donc… que les dirigeants syndicaux français et européens se sont dépêchés de soutenir. Ainsi, dans une tribune parue deux jours plus tard [2], les secrétaires généraux de la confédération syndicale allemande DGB et de cinq centrales françaises CFDT, CFTC, CGT, FO et Unsa affirment que « l’initiative franco-allemande pour la relance européenne, présentée par le président français et la chancelière allemande le 18 mai, doit se concrétiser par la modernisation des modèles économiques européens, en plaçant la transition écologique au cœur de la nouvelle stratégie de croissance de l’Union européenne (UE) ». Ils appellent à « approfondir l’Europe sociale » (oui, l’Europe est « sociale » vous n’étiez pas au courant ?) et à aller « au-delà des 500 milliards d’euros annoncés »… tout en oubliant de préciser que cette somme sera empruntée sur les marchés financiers et servira de levier pour réformer dans chaque pays.
Qu’est-ce que la CGT est allée faire dans cette galère ? Alors qu’il faudrait clairement appeler les travailleur-se-s à la lutte, dénoncer le fait que gouvernement et patrons entendent profiter de la pandémie afin de détruire toujours plus nos droits, organiser un travail de convergence pour ne pas laisser chacun se battre seul dans son entreprise, on se retrouve avec une tribune de soutien à Macron !
La seule boussole de la direction confédérale (le CCN n’ayant même pas été consulté) semble être de mettre un coup de barre à gauche, puis un coup de barre à droite, au gré du vent. C’est bien dommage dans la période actuelle où les salarié-e-s ont besoin de clarté pour résister au chantage à l’emploi : augmentation du temps de travail, baisse des salaires contre une promesse illusoire de ne pas licencier...
Le Front syndical de classe a répondu à cette tribune [3]. Il a bien fait d’alerter les syndiqué-e-s sur cette tribune dont la CGT ne fait pas grande publicité sur son site. Pour autant nous ne nous retrouvons pas complètement sur leur critique, notamment quand ils écrivent « une dette commune fait naturellement voler encore un peu plus en éclat la souveraineté des Etats ». En effet, si la France, plutôt que l’Union européenne, avait emprunté sur les marchés financiers ces milliards d’euros pour restructurer à tout va et arroser les patrons, qu’est-ce que ça aurait changé sur le fond ? L’Union européenne n’est pas une super-structure déconnectée des gouvernements nationaux, l’appel de Macron et Merkel en est d’ailleurs la preuve. L’Union européenne n’est que le bras armé des capitalistes mondialisés, et il faut bien pointer les vrais responsables : les patrons et leurs gouvernements nationaux.
D’autre part, si nous sommes résolument opposés au « Green deal », compris comme l’habillage pseudo-écologique des restructurations et de la désindustrialisation à venir, pour autant nous ne sommes pas des défenseurs en soi des « industries carbonées » ni d’une sur-consommation absurde pour gonfler le PIB de la France. Il va bien falloir sortir de celles-ci, et plus généralement oeuvrer à une rupture anticapitaliste et écologiste. Nous sommes résolument contre tous les licenciements. Pour autant nous sommes pour la reconversion d’un certain nombre d’industries.