jeudi 11 mai 2023
La CEC a pris trois décisions le 25 avril au sujet de la vague d’adhésions depuis janvier. La campagne de renforcement sera faite en trois temps :
- D’ici à la fin juin, passer de 30 000 adhésions à 45 000. Un kit sera mis à disposition des organisations pour aider au déploiement
Un classique : des kits et du matériel
Il n’est certes pas inutile de disposer de matériel, en espérant qu’il soit adapté, comme outil de campagnes de syndicalisation. Mais qu’il y a-t-il de vraiment nouveau, du point de vue de la syndicalisation, entre la situation d’avant janvier et maintenant ? Où résident les difficultés pour syndiquer à la CGT ? Dans les syndicats et les unions locales qui sont deux structures différentes et qui connaissent pour chacune d’elles des réalités très disparates. Sur quel état des lieux des pratiques se base-t-on ? On connaît déjà un certain nombre de facteurs qui rendent difficile la mise en œuvre de campagnes régulières de syndicalisation. En quoi une vague d’adhésions et la situation sociale plus tendue ont fait disparaître ces facteurs ? Ce ne sont pas des kits qui vont permettent de les dépasser ! Par contre, il existe une démarche intitulée « reconquête électorale », faite pour les syndicats, dont les retours sont positifs. Elle ne se focalise pas uniquement sur les élections professionnelles, elle est aussi très utile pour développer la syndicalisation, l’ancrer dans la pratique du syndicat. Est-ce que des moyens et une volonté commune à toutes les organisations du CCN existent pour que cette démarche soit intégrée par l’ensemble de la CGT ? On aurait là un signal fort émis par la CEC et le CCN en direction de tous les syndicats et toutes les UL, pour un travail en profondeur et permanent.
Encore une fois, le tabou des structures
Comment faut-il comprendre la seconde décision ? La CEC souhaite-t-elle une nouvelle formation d’accueil ? Actuellement, dans le nouveau dispositif de formation, l’accueil se fait sur une journée, sous le titre « S’impliquer dans la CGT ». Si c’est cela, que faut-il changer ? Le contenu, la durée ? Comment affirmer qu’il faut « assurer à chaque nouveau syndiqué une formation d’accueil », alors que si cela n’est pas déjà fait jusqu’à maintenant, on ne voit pas en quoi une nouvelle formation va changer la donne ? Que ce soit des adhésions provenant de la vague de ces derniers mois, ou des adhésions des années antérieures, les difficultés restent les mêmes. Une nouvelle formation va-t-elle par magie les régler ?
Donc on va accueillir chaque personne nouvelle adhérente et on va trouver un syndicat pour chacune d’elle ! Serpent de mer qui se répète congrès confédéral après congrès confédéral, alors que la part des adhésions dites « isolées » dans les UL est en progression … C’est peut-être que la structuration interne de la CGT, que le mode d’organisation des syndiqué.es est de moins en moins adapté au salariat réel, qui connaît de plus en plus un éclatement de sa situation (précarité, sous-traitance, etc.) dans une même branche, dans une même entreprise, sur un même lieu de travail. Comment va-t-on passer d’au moins 15 % d’adhérent.es « isolé.es » à ce jour à beaucoup moins d’ici le prochain congrès confédéral ? Avec une nouvelle formation d’accueil ? Ou en se posant les bonnes questions, et ayant le courage de mettre vraiment en œuvre des décisions déjà votées, comme lors du congrès de 2009 ? Oui, ça fait déjà 14 ans …
Les unions locales sont un des éléments centraux de ces enjeux. Avant le dernier congrès confédéral il y a eu une Conférence sur les UL, qui devait être un point d’appui pour les débats du congrès. On sait ce qu’il en a été … Rien, ou presque. Encore des forces et du temps perdu.
Où sont les syndicats qui permettraient d’accueillir ces personnes seules, ou presque, dans leur entreprise et pour qui celle-ci est trop petite pour y créer un syndicat ? Quid de celles qui ne souhaitent pas s’engager à monter un syndicat CGT dans son entreprise ? Le « modèle CGT » reste sclérosé sur le syndicat d’entreprise.
Ces trois décisions de la CEC sont décevantes car sur un sujet aussi central elles laissent de côté les vraies questions, récurrentes, des difficultés de la CGT, non seulement à syndiquer plus, mais aussi à faire baisser le nombre annuel de démissions. Alors même que la CGT a déjà, depuis plusieurs années, identifié où sont les difficultés, en a déjà débattu, a déjà pris des décisions, dont certaines votées en congrès confédéral, elle se révèle, pour le moment, incapable de franchir le cap de la mise en œuvre par toutes les organisations de la CGT.
Syndicat de site, syndicat multi-pro, syndicat d’industrie territorial, syndicat national professionnel ou de groupe, pourquoi n’arrive-t-on pas à tester plus largement ces solutions pour des syndicats pérennes intégrant les isolé.es ? Parce qu’il n’y a aucune impulsion pour y parvenir, ni dans les fédérations qui craignent des contre-pouvoirs internes, ni dans les ul qui craignent d’être dépossédées, ni dans les ud qui se suffisent d’Unions syndicales professionnelles qui peinent bien souvent à coordonner réellement les syndicats de leur département et qui n’ont pas les moyens d’intégrer les isolé.es.
A quand l’impulsion confédérale indispensable ?