mardi 18 mai 2021
Nous publions ci-dessous les propositions de réflexions de l’UD CGT-Paris qui posent sans fard ni acrimonie les problèmes tels qu’ils percutent l’ensemble du syndicalisme :
Déclaration du Bureau de l’Union départementale CGT de Paris
Construire la CGT de demain
Les évènements du 1 er mai qui ont vu des groupes hétéroclites se regrouper une fois de plus en tête de manifestation et certains, parmi ces groupes, attaquer violemment le cortège de la CGT, participent de motivations différentes, parfois divergentes. Ces attaques qui s’en prennent « aux syndicats » en général ou à la CGT et à ses stratégies de luttes en particulier, trouvent leur origine dans l’affaiblissement de notre syndicalisme et, plus généralement, des organisations de travailleurs dans le monde.
Le syndicalisme mondial est sur la défensive depuis la première moitié des années 70. Sa capacité à imposer d’importants progrès sociaux s’est muée en batailles de plus en plus défensives et de moins en moins souvent gagnantes et le nombre des adhérent.e.s a fortement chuté. Ni la France, ni la CGT n’ont été épargnées par cette régression.
Les transformations profondes dans les systèmes d’exploitation, qui ont causé l’éclatement des statuts et des collectifs de travail, le chômage de masse persistant et les échecs politiques des projets de transformation sociale dans le monde et en France, constituent les principaux facteurs de cet affaiblissement. Aucune organisation n’a réussi à endiguer ce déclin, quelles qu’aient été ses options stratégiques ou tactiques. Les politiques volontaristes visant à relancer les adhésions sont globalement un échec, que ce soit à la CFDT ou à la CGT où, pourtant, elles ont constitué un axe politique fort.
Cet affaiblissement numérique (moins d’adhérents) et qualitatif (moins de présence effective dans les entreprises, en particulier dans le secteur privé) questionnent nos modes de structuration et d’action. Notre syndicalisme a encore toute sa place !
Le combat de classe commence dans l’entreprise : si tous les salariés n’en ont peut-être pas conscience, ils ressentent bien, pourtant, la nécessité d’un contre-pouvoir que seul le syndicalisme est en mesure d’apporter. Encore faut-il que le syndicat soit présent parmi les travailleuses et les travailleurs, qu’il soit leur émanation, qu’il ait des pratiques démocratiques et qu’il leur propose des modalités d’action qui montrent leur efficacité.
Pour continuer de jouer son rôle essentiel dans une lutte des classes qui va en se durcissant, il va devoir se réinventer, en profondeur.
Notre syndicalisme devra, aussi, continuer de rechercher l’unité la plus large de ceux qui luttent, d’abord dans les organisations syndicales de travailleuses et de travailleurs, mais aussi avec d’autres mouvements émancipateurs : les combats féministes, antiracistes, démocratiques et le combat contre le dérèglement climatique imposé par le libéralisme.Cette réinvention passe par le réexamen de nos modes d’organisation dans le monde du travail tel qu’il est, de nos moyens et de nos modalités d’action pour peser efficacement, de nos modes de fonctionnement démocratiques internes.
Le monde du travail du 21 e siècle est très divers : le syndicalisme doit en tenir compte. La revendication immédiate reste au premier chef des exigences des travailleur.se.s envers leurs organisations. Mais, même si ce sentiment reste diffus, l’absence ou la méconnaissance d’un projet plus global et authentiquement transformateur nous bloque, même pour la revendication immédiate.
Nous ne devons ni faire table rase du passé, ni rester le regard rivé dans le rétroviseur : dans les deux cas, nous ne serions pas à la hauteur de la tâche immense qui nous attend. Le monde a, certes, beaucoup changé, mais tout n’a pas changé non plus ! La CGT doit se rendre disponible pour ce débat approfondi. Ce doit même être sa priorité car sa survie en dépend. Elle aurait dû l’entamer au lendemain de 1995 lorsque, déjà, le secteur privé restait très en retrait des mobilisations. Elle est contrainte de le faire aujourd’hui, en pleine tourmente, au moment où le secteur public bascule de plus en plus vers le privé.
Un débat approfondi
Ce débat ne doit pas être phagocyté par des positionnements ou des considérations tactiques. L’attente des travailleuses et des travailleurs reste très grande envers notre organisation : ceux qui peuvent voter et qui votent nous placent toujours largement en tête, comme viennent de le rappeler les élections TPE. Le taux d’abstention est certes énorme. C’est le fait, notamment, de la manière de ce scrutin est volontairement occulté et désorganisé. Il a, pourtant, des significations politiques profondes. Depuis des décennies, dans tous les scrutins où l’on a pu choisir entre l’ensemble des organisations syndicales, la CGT a toujours été placée largement en tête. Les difficultés qu’elle rencontre aujourd’hui, la perte de sa première place d’organisation représentative, montrent surtout ses difficultés à s’implanter et à faire en sorte que le vote CGT soit possible partout.
Plutôt qu’avec des affirmations, nous avons donc besoin de préparer le prochain congrès confédéral par des questionnements, en créant les espaces nécessaires à la réflexion :
Quelle place pour le syndicalisme aujourd’hui ?
Quelle unité syndicale ?
Quels rapports entre notre syndicalisme et les autres mouvements émancipateurs ?
Comment appréhendons-nous le monde réel du travail, comment y adaptons-nous nos modalités d’action et nos modes de structuration pour répondre aux besoins du monde du travail ?
Comment rendre nos fonctionnements plus démocratiques ?
Ces questions sont essentielles. Il est temps de s’y atteler, si l’on veut construire un avenir au mouvement syndical en France et si l’on veut renforcer la CGT et préserver son unité. Nous le devons à nos convictions, nous le devons à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs.
A Paris, le 17 mai 2021