mercredi 13 avril 2022
Le débat sur le « vote utile » qui a monopolisé médias et militants la dernière semaine de campagne démontre l’absurdité « démocratique » de nos lois électorales et de nos institutions « républicaines ». On ne vote plus « pour » mais « contre » et chacun est sommé de se transformer en fin tacticien… de comptoir. Avec pour résultat des transferts massifs de voix entre formations politiques dont les valeurs sont proches. Ce qui nous occupe n’est pas l’effondrement ou la croissance de tel parti mais du bloc idéologique auquel chaque parti peut être rattaché. Et dans tous les cas le rôle accru des syndicats de lutte dans la période qui s’ouvre au lendemain du second tour.
Si l’on se souvient que les candidats de la gauche révolutionnaire dépassaient les 10% en 2002, les militants trotskistes devraient tout de même se livrer à une sérieuse introspection en échouant à 1,4% cette année. Aucun signe tangible pour l’heure…
Les deux candidats de la gauche réformiste (Mélenchon et Roussel) rassemblent 24,3% des électeurs soit un quart des votants. Un score historiquement faible pour la gauche réformiste qui ne devrait pas leur permettre de parader. D’autant que la division en deux candidatures, dont la responsabilité est partagée par la FI et le PC, permet une nouvelle fois un second tour droite/extrême-droite.
Le bloc des candidatures centristes libérales (Macron, Hidalgo, Jadot) n’atteint que 34,2%. Ce n’est pas énorme si on pense au large spectre de nuances centristes ainsi coagulées. En revanche cela nous donne la vision d’un centrisme dont le centre de gravité s’est déplacé très à droite.
La droite extrême et l’extrême-droite (Dupont-A, Lassalle, Pécresse, Le Pen, Zemmour) arrivent loin devant avec un total de 40,2%.
Reste l’éternel débat sur l’analyse de l’abstention. Le total en ajoutant les blancs (1,12%) et les nuls (0,49%) monte à 28% et même 34% si l’on ajoute les non-inscrits. Il serait bien prétentieux que les tenants de l’abstention systématique s’approprient ce tiers des français.
Le second tour nous promet le pire entre une politique anti-sociale renforcée et une victoire historique des fascistes dont le programme anti-immigrés nous ramène aux heures sombres de la France de Vichy. Dans ce contexte, nous nous garderons bien d’entrer dans une polémique entre celles et ceux qui voteront Macron pour faire barrage aux fachos et celles et ceux qui ne pourront s’y résoudre. Que chacun fasse au mieux de sa conscience et gardons-nous de diviser encore un peu plus notre classe et nos organisations dans ce contexte délétère.
Dans un pays où libéraux et extrême-droite récoltent 74,4% des voix, il n’est pas difficile de voir que le dernier rempart se trouve dans l’action syndicale sur des bases de classe. Parce que seules les luttes syndicales peuvent rassembler, dans les mêmes organisations, les blocs de gauche réformiste et d’extrême-gauche en y incluant les franges anti-électorales. Et que ce bloc syndical « lutte de classe », en gardant le cap de la double besogne et de l’indépendance politique peut, et lui seul le peut, entrainer dans l’action celles et ceux qui ont voté tout et n’importe quoi, ou pas voter du tout.
Si le temps des élections législatives qui suivent nous laisse sans doute quelques mois de répit, nous devons utiliser ce temps à faire monter les grèves pour le pouvoir d’achat que l’inflation remet en première ligne. Et à préparer la grève générale pour s’opposer à l’automne aux premières attaques du gouvernement Le Pen ou Macron. Préparer signifie non pas exiger de manière incantatoire des appels des directions syndicales (encore que ce serait mieux si ces appels arrivaient…) mais organiser concrètement, dans chaque atelier, chaque service, la colère et lui donner un sens : la grève restant la meilleure arme des travailleurs et travailleuses.
Organiser veut dire mettre à jour le cahier revendicatif, mettre en débat et planifier l’action, de la pétition jusqu’à la grève. Organiser veut dire aussi prévenir les collègues de mettre de l’argent de côté pour tenir la grève et préparer des caisses de solidarité. Pas une caisse de grève centralisée, propice à la manipulation autoritaire voir à la corruption de ceux qui tiennent les cordons. Pas une caisse centralisée qui permet aux non-grévistes de toutes professions de se donner bonne conscience. Mais une caisse par atelier ou service, par entreprise contrôlée démocratiquement par un comité de préparation de la grève, comité qui doit être constitué de toutes les forces combatives de l’entreprise sans trop se poser de question sur les étiquettes syndicales et intégrant y compris des non-syndiqués si malheureusement il existe des collègues combatifs non-syndiqués.
NB : Ce texte, pour des raisons de tempo, n’est pas un texte collectif. Si d’autres contributions sont produites, elles auront naturellement leur place sur notre site.