samedi 21 janvier 2017
Des dirigeants du PCF et du PG signent ensemble un appel pour « redonner la priorité à l’industrie » avec le soutien des secrétaires généraux de FO et de la CGT. L’attelage hétéroclite est déjà surprenant. Mais quand Arnaud Montebourg apparait parmi les signataires, modestement désigné comme « candidat à la primaire de la gauche »... et ce juste avant le vote du premier tour de la primaire du PS, le plan sent l’arnaque à plein nez !
Cet appel déguisé à voter Montebourg (il est le seul candidat PS à avoir signé) pose tout de même quelques questions ! Surtout en se souvenant que la direction du PCF était fortement tentée, l’automne dernier, de se rallier à Montebourg plutôt qu’à Mélenchon... Que vient faire notre CGT dans cette affaire ?
Pis encore est le fond du texte. Formules creuses et vagues priorités, il n’apporte pas grand chose d’autre que l’idée de remettre le capitalisme au service d’une industrie française... Mais surtout il vante « le compromis fondamental entre le capital et le travail sans lequel aucun développement n’est possible » !!!!
Depuis quand la stratégie de la CGT est-elle basée sur ce « compromis fondamental » ? Des compromis, c’est bien sûr le quotidien de tous les syndicalistes. Mais ces compromis ne sont-ils pas obtenus par le rapport de force en attendant que le travail puisse dépecer le capital grâce à la progression du rapport des forces ? Sans alliance avec la capital le camp du travail ne saurait-il donc produire « aucun développement » ?
Du temps du programme commun, dont la CGT était signataire avec le PS, le PCF et les Radicaux de gauche, il était courant de voir nos dirigeants syndicaux signer des appels et manifestes avec des candidats aux élections. A tout le moins le programme commun se présentait comme une étape vers le socialisme et non comme l’indispensable compromis entre travail et capital !
Décidément les débats stratégiques restent devant nous et les signes positifs perçus par nombre de militants CGT depuis le 51° Congrès demeurent fragiles et contradictoires.
Pour votre information voici le texte complet :
Ce chiffre-là glace d’effroi. Et même en pleine campagne électorale, où les discours
doivent donner de l’élan, il faut bien le citer. Peut-être même le crier :
depuis 2001, l’industrie française a perdu chaque jour, en moyenne, 165 emplois.
Une ville comme Lourdes ou Fontainebleau « rayée » chaque trimestre,
et cela pendant quinze ans. Au total, près d’un million d’emplois directs perdus.
Ça suffit ! Si enclin à fustiger de « démagogue » tout discours à rebours de
ses idées austéritaires, le patron des patrons, Pierre Gattaz, promettait effrontément
de créer « un million d’emplois » si le coût du travail baissait suffisamment.
Selon la même magie de l’appauvrissement, François Fillon, assure lui de diviser
par deux le taux de chômage. Ils trompent les Français ! Pour retrouver
le sentier du développement et de l’emploi, le pays ne doit pas jouer les
Pères Fouettards du salariat mais s’appuyer sur la mère de toutes les batailles
productives : l’industrie. Même à l’heure du numérique et de la robotique,
l’industrie entraîne avec elle toute l’activité, la recherche, l’investissement et,
au final, l’emploi.
Réorientons les activités industrielles et productives. Dans une dynamique
nouvelle de développement, les activités industrielles devront être vigoureusement
stimulées et réorientées de manière à répondre aux besoins fondamentaux
tels qu’une alimentation saine, respectueuse de la rareté des ressources
naturelles (terre, eau, air), une santé protégée et des logements économes en
énergie… Cette réorientation s’inscrit pleinement dans la perspective de la nécessaire
transition écologique et ne pourra être opérée qu’avec des travailleurs
mieux formés.
Changeons la place du travail et favorisons un nouvel entrepreneuriat dans
l’économie et la société. La place du travail dans notre société et dans notre
économie est fortement questionnée aujourd’hui. Le chômage et le mal emploi
se répandent, les compétences sont globalement mal valorisées. Or
l’innovation n’est pas le fruit spontané des nouvelles technologies mais bien
le résultat des interactions humaines.
Le développement industriel a besoin de salariés innovants, aux compétences
reconnues, bien rémunérés, occupant des emplois stables et prenant une part
active aux décisions. Seuls des salariés compétents et impliqués sont, en effet,
en mesure de donner aux entreprises les capacités d’innover. Ici réside le compromis
fondamental entre le capital et le travail sans lequel aucun développement
n’est possible.
Remettons la finance à sa place
De concert avec une organisation du travail fortement rénovée, de nouvelles
formes de travail et d’entrepreneuriat devront être stimulées. L’innovation ouverte,
l’externalisation ouverte, les tiers lieux, les « fab lab », les très jeunes
entreprises devront être soutenus. L’économie sociale et solidaire devra être
encouragée et l’économie collaborative promue et protégée afin de ne pas devenir
un avatar « ubérisé » du capitalisme financiarisé.
Remettons la finance à sa place. La finance continue d’étouffer l’industrie. Le
temps des marchés financiers et celui des publications de résultat trimestriel
ne sont pas ceux de l’entreprise et des projets industriels. Sans parler des exigences
excessives de rendement des capitaux propres qui privent les entreprises
de nombreuses opportunités industrielles et commerciales. Le principe
même de cette finance folle est profondément inégalitaire puisqu’il rémunère
les « facteurs » selon leur propension à la mobilité.
Ancrons également les activités dans les territoires. C’est un autre enjeu essentiel
de la nouvelle dynamique de développement. Un tel ancrage repose
sur les différentes dimensions de la proximité territoriale : compétences, ressources
et valeurs. Si le renforcement des différentes dimensions de la proximité
trouve naturellement sa place dans une dynamique nouvelle de développement,
il en va de même de l’économie circulaire ou encore de l’économie de
la fonctionnalité.
L’économie circulaire élimine la notion de « déchet » en considérant, dès la
conception des produits, leur recyclage et leur réparabilité dans une perspective
opposée à l’obsolescence admise, voire programmée. L’économie de la
fonctionnalité met, elle, l’accent sur une utilisation raisonnée et le plus souvent
partagée des services que peuvent rendre les biens, plutôt que leur propriété
individuelle.
Nous ne croyons pas que la politique d’austérité suivie depuis des années soit
de nature à donner à la France la perspective et le dynamisme dont elle a besoin.
Les coupes claires budgétaires ne peuvent que provoquer la récession et
la contraction des débouchés des entreprises. Seul un développement des activités
productives soutenu par une politique publique de relance et des dispositifs
financiers tournés vers l’investissement dans l’industrie – et non au
versement de dividendes accrus – permettra de retrouver le chemin de la prospérité.
Il s’agit d’un enjeu collectif qui engage tous les Français, et qui doit être
au coeur des débats qui vont animer les campagnes électorales à venir.
Signataires : Jean-Baptiste Barfety, fondateur de la Conférence Gambetta
; Marie-Françoise Bechtel, député République moderne ; Gabriel Colletis,
professeur de sciences économiques (Toulouse 1-Capitole) ; Eric Coquerel,
Parti de gauche ; Laurent Cordonnier, maître de conférences en économie,
Université de Lille ; Franck Dedieu, délégué général République moderne ;
Pierre Dubreuil, ancien conseiller régional Ile-de-France, chargé du projet «
Nouvelle Europe, auprès d’Arnaud Montebourg ; Guillaume Etievant, économiste,
expert auprès des comités d’entreprise ; Olivier Favereau, économiste
; André Gauron, économiste ; Jacques Généreux, Parti de gauche ;
Gaël Giraud, chef économiste de l’Agende française de développement ; Gaëtan
Gorce, sénateur PS ; Roland Gori, psychanalyste ; Alain Grandjean, économiste
associé de Carbone 4 ; Michel Husson, statisticien et économiste à
l’Institut de recherche économiques et sociales ; Pierre Laurent, secrétaire
national PCF ; Jean-Claude Mailly, secrétaire national du syndicat FO ; Philippe
Martinez, secrétaire national du syndicat CGT ; Benjamin Masse-
Stamberger, journaliste ; Arnaud Montebourg, candidat à la primaire de
la gauche ; Etienne Morin, professeur d’économie en classes préparatoires
; François Morin, professeur émérite de sciences économiques, Toulouse
1-Capitole ; Pierre-Alain Muet, député PS ; Christophe Ramaux, maître
de conférences en économie, Université de Paris 1 ; Robert Salais, directeur
de recherche émérite en économie au CNRS ; Danielle Simonnet, parti de
gauche ; Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE. Bernard Thibault, ancien
secrétaire national de la CGT.