vendredi 17 mai 2019
La séance s’ouvre avec la présentation de motions de soutiens à diverses luttes telles que le congrès en adopte plusieurs, sans plus de discussion. L’une pourtant aurait mérité d’être relue avec les yeux du syndicalisme écologique que la CGT souhaite incarner : celle présentée par la fédération de l’agro-alimentaire. Il s’agit du soutien aux grévistes de la sucrerie de Toury (eure et loire) dont l’usine doit fermer à la fin de l’année. Non pas évidemment pour contester la lutte pour l’emploi mais pour l’argument, celui de la souveraineté alimentaire nationale, mis en avant dans la motion. En effet et au delà de l’odeur nauséabonde que l’usine dégage, la question du sucre de betterave, en concurrence avec le sucre de canne, pose des questions complexes : l’utilisation massive du sucre par les mastodontes des plats préparés lève une question de santé publique et l’agriculture industrielle de la betterave qui a supplanté le blé dans cette partie de la Beauce a achevé de tuer l’une des meilleures terres agricoles du pays et d’épuiser les nappes phréatiques de la région. Sécheresse oblige, les agriculteurs arrosaient les champs dès le début avril !
Mais passons sur cette digression et revenons aux résultats des votes de la veille au soir. Le vote du thème 2 du document d’orientation donne 70% de pour, 29% de contre et 7% d’abstentions. Un chiffre conforme aux équilibres de ce congrès où la contestation des orientations générales de la direction confédérale s’équilibre autour de ces pourcentages. Il est du coup intéressant de relever que le vote du thème 5, sur l’internationalisme, est lui adopté par 79% de pour ; 21% de contre et 8% d’abstention. Ce qui signifie assez clairement que les mandats critiques qui réclament une ligne plus radicale représentent bien davantage que les mandats « pro-FSM ». Et c’est tant mieux !
Le rapport sur le thème 3, (la construction du rapport de force) annonce avoir recensé 355 amendements par 102 syndicats. Une petite moitié intégrés mais largement reformulés (99 d’entre eux). Les questions des Gilets jaunes et de l’unité syndicale vont dominer le débat avec celle de la construction d’une grève générale. Un amendement du SNTRS (syndicat du CNRS) proposant la convergence avec les Gilets jaunes est nettement minoritaire. Le débat sur l’unité syndicale, comme d’habitude, n’échappe pas à des positions caricaturales et sectaires ce qui permet à la direction confédérale de justifier le maintien de la formulation sur le syndicalisme rassemblé. Un autre amendement du SNTRS qui propose de substituer à cette formule celui de la recherche d’une unité syndicale basée sur des revendications claires sera également minoritaire mais de peu. Un amendement réclamant que la direction confédérale « impulse » un plan de travail et un calendrier de mobilisation avec des revendications claires est lui aussi minoritaire, la commission expliquant que la direction confédérale a un rôle de soutien mais pas de pilote... Les congressistes ont pourtant l’impression que quand il s’agit de défendre des choix politiques et faire repousser des amendements la direction confédérale pilote fermement les votes ! Le thème 3 est adopté par 70% de pour, 29% de contre et 6% d’abstentions.
Les débats sur le thème 4 (évolution des structures CGT) vont être dominés par la question des « isolés » (84 000 syndiqués sans syndicat) et de la syndicalisation dans les entreprises sous-traitante. La question de la syndicalisation des lycéens et étudiants a également été mis en débat par divers syndicats et l’amendement en ce sens a été rejeté de très peu. Déjà présent la veille, la question de la répression syndicale est aussi revenue dans les débats de la même manière un peu inquiétante (naïve), avec des camarades qui semblent parfois ne pas comprendre que la seule protection réelle des militants combatifs c’est d’avoir un rapport de force et une légitimité conquise auprès des collègues de travail.
Un amendement proposant de rejeter l’existence des nouveaux comités régionaux dont le projet n’est pas encore validé est rejeté aussi de très peu. Tout comme un amendement du Comité national des privés d’emploi qui propose la création dans chaque UL d’un comité ce à quoi la commission oppose qu’on ne peut figer un modèle unique et que les territoires ont des formes de collectifs variables.
Un syndicat d’une grosse usine AirBus fait état de son choix de transformer le syndicat d’entreprise en syndicat de site pour pouvoir syndiquer les nombreux salariés de la sous-traitance. Tout à son choix de mettre en avant le syndicat multi-pro pour regrouper des isolés de toutes professions (ce qui revient à en faire des mini-ul) la direction confédérale fait repousser l’amendement présentant les atouts du syndicalisme local d’industrie en prétendant que l’amendement veut ériger un modèle unique ce qui n’était pas du tout le cas mais s’épargnait ainsi d’une réponse sur le fond de mettre à l’étude cette possibilité parmi d’autres... Le thème 4 est finalement adopté avec 65% de pour, 35% de contre et 6% d’abstention.
Mais la question de l’annexe statutaire pour les nouveaux comités régionaux vient à nouveau semer l’émoi dans le congrès. La présentation de cette nouvelle structure prête à sourire : ce n’est pour nous aligner sur les nouvelles régions administratives mais pour aider les UL et UD à rester au plus près des salariés ??? Les congressistes soumettent alors le rapporteur à un feu roulant : super-préfets politiques, étage bureaucratique en plus, aspiration des moyens qui manquent déjà aux UL/UD, alignement sur le fonctionnement pyramidale de la CFDT... la tension est énorme et il faudra une longue interruption pour que la direction confédérale fasse, intelligemment, le choix de retirer la question et de la renvoyer au 53° congrès. Les congressistes savourent manifestement une forme de revanche face à une tribune qui bien souvent manie des réponses en langue de bois et des postures autoritaires maladroites. Dans le même soucis d’apaisement avant le vote de la CEC, elle soumet un projet d’appel du congrès après en avoir repousser plusieurs fois l’idée. L’appel sera débattu vendredi matin. Le vote final sur le document d’orientation donne 70% de pour, 29% de contre et 7% d’abstention. Une remarquable stabilité donc qui démontre bien l’existence d’une aile qui demande plus de radicalité, sans pour autant être homogène ni représenter une « tendance » comme cela peut avoir exister dans la CFDT et d’autres confédérations. Ce qui fait penser que le délégué d’Info’com n’a jamais pris la parole durant tout le congrès...
L’élection de la CEC et de la commission de contrôle clôt une journée tendue. Avec un nouveau pic de tension autour du rejet de certaines candidatures qui sont maintenues au vote des congressistes par une partie des délégués. Le refus d’intégrer le candidat de l’UD 76 (Gérald Lecorre) est clairement politique. Benjamin AMAR de l’UD 94 n’a pas été moins virulent dans ses critiques mais il est protégé, lui, par son appartenance au PCF... Gisèle Vidallet, membre sortante du Bureau confédérale, paye sans doute son indépendance d’esprit et une compréhension plus perspicace des Gilets jaunes, la commission ne donnera pas la moindre explication claire aux congressistes et il n’est pas facile d’identifier avec certitude les motifs du rejet de Sandra Buaillon (UD 75) et de Mireille Stivala, secrétaire de la fédé de la Santé. En tout état de cause la liste des 60 candidats (30 hommes, 30 femmes) proposée aux congressistes par un vote à 80% du CCN est donc élue, tous les candidats franchissant les 50%. Aucun des 4 maintenus n’est élu faute de franchir la barre.
Une remarque tout de même : la nouvelle CEC comporte seulement 8 ouvriers pour 15 cadres, 12 techniciens et 6 agents de maîtrise.